Que se cache derrière le syndrome de l’imposteur
Dans une carrière, il n’est pas rare de changer de poste. C’est d’ailleurs de plus en plus fréquent depuis une vingtaine d’années. Parfois, ces changements ne sont pas vécus de manière optimale. On se sent un peu imposteur dans le nouveau poste qui est le nôtre. D’où ce sentiment vient-il ? Qui cela touche-t-il ? Peut-on le combattre ? Comment ? Autant de questions que nous allons aborder dans cette nouvelle newsletter.
En 1978, les psychologues Pauline Rose Clance et Suzanne AImes écrivent un article basé sur des expériences et utilisent pour la toute première fois le terme de « Syndrome de l’imposteur ». Concrètement, elles définissent ce syndrome comme « une forme de doute maladif qui consiste essentiellement à nier la propriété de tout accomplissement personnel ». En clair, les personnes concernées rejettent plus ou moins systématiquement le mérite lié à leur travail et attribuent leurs succès à des éléments qui leur sont extérieurs. Par exemple : la chance, un travail acharné, leurs relations personnelles, des circonstances particulières, le bon travail de collègues, … Dans le monde du travail, il est estimé que 60 à 70 % des personnes douteraient, à un moment ou à un autre de leur carrière, de la réalité ou de la légitimité de leurs succès. C’est énorme.
Pourquoi ?
Pourquoi sommes-nous si nombreux à avoir parfois l’impression que nous ne sommes pas légitimes ou à notre place ? Il y a plusieurs raisons. Certaines sont personnelles, d’autres sont systémiques. La plus importante raison est de cet ordre : le moule que notre société nous offre dès l‘enfance. La société dans laquelle nous évoluons est en effet une société qui est basée sur le mérite et la performance. Depuis notre plus jeune âge, nous sommes évalués par des bulletins, on nous parle des écoles (les bonnes, les moins bonnes, les mauvaises). Des filières (les bonnes, les moins bonnes, les mauvaises). Il faut avoir des bons points pour faire des études « plus tard ». Au sortir de l’école, la question qui se pose est d’ailleurs souvent la même, « Qu’est-ce que je vais étudier ? Et où ? ? ». On se bat pour rentrer dans des écoles ou universités prestigieuses où les élèves apprennent dès les premiers jours que « seule une minorité s’en sortira ». Autour de nous, on est « jugé » sur les options qu’on prend ou les études qu’on entame et qui vont nous permettre de nous spécialiser. Ingénieur, médecin ou avocat, ont toujours plus de prestige en 2019 dans l’inconscient collectif que boucher, serveur ou plombier. Et ce, même si le boucher en question est 10 fois plus performant que l’avocat, chacun dans son domaine respectif. En gros : il s’agit d’avoir des diplômes et d’acquérir de l’expertise. Dans le monde professionnel, la donne est souvent identique et il nous est souvent « enseigné » de manière inconsciente à notre arrivée, que nous n’avons pas encore de « valeur ». Le syndrome de l’imposteur est à comprendre dans cette manière de fonctionner.
Comment ça se caractérise?
Il existe plusieurs manières de ne pas se sentir légitime à la place que l’on occupe. En fonction des personnalités et des caractères de chacun, ce sentiment peut être plus ou moins présent. Beaucoup d’entre nous se sont déjà entendu dire qu’il avait eu le poste « parce que le recruteur était sympa » ou « par chance » ou « parce qu’il y a eu un concours de circonstances favorables » ou parce que les autres candidats « n’étaient vraiment pas bons ». Comment savoir si on souffre de ce syndrome ou non ? Il y a tout d’abord la peur d’être démasqué. Dans la tête de la personne qui se sent illégitime, il est évident qu’un jour ou l’autre, les collègues ou le patron vont se rendre compte de votre incompétence. Il y a ensuite la pression démesurée que l’on s’inflige. Comme le résume la journaliste Hélène Musca : « le danger de ce syndrome est de se fixer des standards de vie complètement irréalistes et inatteignables, qui ne laissent pas la place à la moindre erreur. Et vous vivez donc dans un état de stress perpétuel à cause du décalage entre vos repères utopiques et le chaotique brouillon de la réalité ». Il y a aussi l’auto-sabordage. Celui qui se prend pour un imposteur va sans cesse rappeler aux autres qu’il n’est pas légitime sans même s’en rendre compte. Il va expliquer « qu’il n’y connaît rien », que « c’est pas vraiment son domaine de prédilection » ou qu’il est « fort jeune ou sans expérience ». Ne pas avoir confiance en soi et croire que tout le monde peut faire son travail est un autre symptôme. Enfin, ne pas savoir accepter de compliment est également très courant.
Différences hommes femmes?
Les hommes et les femmes sont-ils égaux devant le syndrome de l’imposteur ? D’après une étude pour la Société américaine de physiologie en 2018, à niveau d'éducation égal, les femmes ont une estime de leurs compétences largement inférieures à celle des hommes. Cette étude a d’ailleurs démontré que quand ils échouent à un test, les étudiants blâmeront plus souvent la difficulté du test ou la sévérité de la correction tandis que les étudiantes douteront de leur intelligence. Cela dit, les femmes qui souffrent de ce syndrome semblent mieux le gérer. Une étude menée par des chercheurs allemands et américains en début d’année suggère que, sous pression, les hommes ayant ce sentiment d’imposture seraient davantage affectés dans leurs performances que les femmes. Il est à noter également que les enfants peuvent souffrir également du syndrome de l’imposteur.
Comment surmonter ce syndrome ?
La première chose à faire est, comme pour une addiction par exemple, de reconnaître que quelque chose ne va pas. Il faut donc apprendre à prendre de la distance pour mieux savoir le combattre et essayer de travailler sur l’estime de soi, essentiel à l’épanouissement professionnel et personnel. La deuxième chose à faire est de ne plus se laisser emporter par les voix intérieures que nous avons tous. Béatrice Barbusse, sociologue et auteure du livre Du sexisme dans le sport, explique par exemple que quand elle a eu accès à un poste à responsabilité dans le sport professionnel masculin, elle a souvent eu des moments de doutes sur ses compétences. A chaque fois que sa petite voix lui disait qu’elle n’était pas à sa place, elle relisait son CV qui prouvait juste le contraire. Enfin, troisième chose à faire, apprenez à savourer vos réussites. Que ce soit par des messages, des mails, des commentaires sur LinkedIn ou tout simplement par des médailles ou des récompenses, s’autoriser à garder ces traces de réussite, c’est accepter que si tant de gens nous complimentent, on est probablement… À la bonne place J
Souffrez-vous du syndrome de l’imposteur ? Faites le test ici