Chapitre 1 : Les 6 clés « magiques »
La société idéale n’existe pas encore complètement, mais certains essayent de la construire. En ce moment même. Et ils nous permettent de rêver un peu avant les fêtes. Voici les 6 clés « magiques » qui vous permettront sans doute de vous en rapprocher…
Très régulièrement, des enquêtes d’opinion s’intéressent aux entreprises et à leurs salariés. Ces enquêtes visent à voir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et ce qui pourrait être amélioré. Ces enquêtes prennent le « pouls » des sociétés dans tel ou tel secteur ou dans tel ou tel pays.
Par ailleurs et en général, une fois par an, des enquêtes internes permettent aux employés de donner leur avis sur leur entreprise. Ils cochent des cases, répondent à des e-mails ou à des questionnaires. L’objectif étant que les résultats aient un impact décisif et réel sur le management ou la manière dont s’organise la société. C’est l’occasion pour les collaborateurs de partager des ressentis, de faire part d’envies ou de déceptions qui dépassent le cadre purement individuel de leur évaluation.
Malgré tout ce qui est mis en œuvre pour « comprendre le fonctionnement de la société et son amélioration », force est de constater que les burn-outs explosent (voir aussi #46 – Burn out attention danger) et que beaucoup de collaborateurs et managers ont du mal à trouver leur place au travail. Et pourtant, des pistes concrètes existent.
Une société horizontale
En 2018, une grande enquête d’opinion a été menée auprès des Français fraîchement diplômés. Pendant des semaines, des centaines de salariés de moins de 35 ans, de jeunes en classe préparatoire et des start-uppers de moins de 30 ans ont été sondés. Le premier constat tiré de cette enquête est révélateur de la société dans laquelle le monde évolue actuellement. Les jeunes veulent une entreprise démocratique, au sens politique du terme. De quoi parle-t-on ? De prises de décisions partagées, de consultations des salariés pour les grandes décisions, de partage de responsabilités. A l’heure où les outils de communication permettent à tout le monde d’exprimer son point de vue sur tout (et parfois n’importe quoi), sur les réseaux sociaux par exemple, il est inconcevable pour les plus jeunes d’entre nous de devoir exécuter des décisions prises à un autre niveau de pouvoir, sans aucune consultation préalable. Cette caractéristique n’est pas l’apanage des Français, ni même de l’Europe. Des enquêtes similaires donnent des résultats identiques aux USA, au Canada et en Asie. Cette méthode de management porte d’ailleurs un nom : l’holacratie. Cette notion est particulièrement bien définie par la journaliste Marianne Rey : « L'holacratie part du principe que l'établissement d'un organigramme classique n'est pas vraiment utile. Ni celui de fiches de poste, que personne ne regarde jamais (jamais la sienne, et encore moins celle des autres). A la place, toutes les activités de l'entreprise vont être découpées en unités de travail, qui vont donner lieu à des rôles. Le rôle et la personne qui le prend en charge sont distincts. En moyenne, le salarié en prend quatre en charge. Il dispose pour chacun d'eux d'un espace dans lequel il n'encadre personne et n'est encadré par personne. Dans l'holacratie, la structure est vivante, elle peut évoluer selon les besoins. » Le rêve de notre société idéale passe par la permission faite à tous d’être entendu et d’être autonome.
Fuck Work
En 2018, l’historien américain James Livingston a publié un ouvrage au titre évocateur, Fuck Work!, dans lequel il évoque les jeunes qui ne semblent pas cyniques ou désillusionnés par rapport au monde, contrairement à ce que certains disent, mais plutôt idéalistes. Il explique, en substance, que nous ne sommes pas programmés pour travailler autant que nous le faisons et certainement pas de la manière dont nous le faisons. A des rythmes incessants, 5 ou 6 jours par semaine à raison de 8 à 10 heures par jour, sans compter les déplacements chronophages. C’est la raison pour laquelle il invite les plus jeunes, pas encore totalement engloutis par le monde du travail, à réfléchir sérieusement aux chemins qu’ils empruntent professionnellement. Il évoque le « sens qu’on donne aux choses », de plus en plus important aux yeux des jeunes générations qui ne se retrouvent plus dans les codes des anciennes. L’idée n’est pas de faire carrière, de réussir socialement ou d’avoir un titre ronflant. Non, l’idée est de savoir ce qui nous nourrit et nous permet d’être heureux le temps qu’on passe au travail. Toutes les études le démontrent, les gens souhaitent de plus en plus de sens dans ce qu’ils font au travail. Actions solidaires, engagement dans l’économie circulaire, empreinte environnementale, éthique des pratiques, tant de critères qui ont leur importance aujourd’hui et qui donnent un sens à ce qu’on fait. Le rêve de notre société idéale passe par la permission faite à tous d’avoir du sens dans ce qu’il fait.
Maître du temps
Qu’est-ce qui a le plus de valeur dans une vie ? Durant de nombreuses années, beaucoup de gens qui devaient répondre à cette question répondaient « argent », « or », « biens immobiliers »… Aujourd’hui, dans un monde contrasté et compliqué, de plus en plus de personnes répondent « le temps ». La seule certitude de nos existences est en effet que nous avons tous une date de péremption. Nous avons tous un nombre limité de jours et de secondes à vivre. Nous avons tous un temps déterminé. En 2020, cette donnée sera plus prégnante encore qu’en 2010 ou qu’en l’an 2000. Là aussi, toutes les réponses des collaborateurs interrogés abondent dans la même direction. Certaines entreprises l’ont d’ailleurs bien compris et valorisent aujourd’hui le temps de plusieurs manières. Le temps peut être par exemple une ressource pour trouver des idées. C’est le cas de Google qui, dans le cadre de la gestion des activités innovantes, alloue du temps libre à ses collaborateurs selon le modèle 20 % de temps libre pour promouvoir l’innovation. En clair : chaque collaborateur peut consacrer 20 % de son temps (ou une journée de travail par semaine) à un projet de son choix. Le rêve de notre société idéale passe par la permission faite à tous d’avoir du temps à mettre au service de leur projet.
Des collaborateurs responsabilisés
En 2014, Richard Branson, PDG de Virgin, surprend tout le monde en annonçant le plus sérieusement du monde que désormais, ses employés pourraient prendre autant de jours de congés qu’ils le souhaitent. « C’est aux employés de décider seuls des heures, jours, semaines ou mois qu'ils veulent prendre, le présupposé étant qu'ils ne le feront que s'ils sont assurés à 100 % qu'ils sont, eux et leur équipe, à jour de leurs projets et que leur absence ne nuira pas à l'entreprise, et donc à leur carrière », précise-t-il. Cette idée se base sur la conscience professionnelle des salariés. En effet, il existe de nombreux pays dans lesquels certaines pratiques sont autorisées : en Allemagne, la vitesse n’est pas limitée sur certaines autoroutes sans qu’il y ait proportionnellement plus d’accidents ; aux Pays-Bas, le hachisch est autorisé sans que le taux d’abus n’augmente pour autant. Pour les congés payés, il s’agirait d’appliquer le même principe. Et après 5 ans d’essai chez Virgin et Netflix, la conclusion est assez limpide : les employeurs ayant recours à ce système ont vu le nombre de congés payés décroître parmi leurs salariés. Le rêve de notre société idéale passe par la permission faite à tous de se responsabiliser pour permettre un bon équilibre vie professionnelle-vie privée.
Un lieu de travail en mouvement
Depuis les années 2000, le monde est devenu un village. Cette donne est particulièrement ancrée dans l’esprit des jeunes générations qui définissent aujourd’hui la société de demain. Pour eux, jouer à Fifa 20 avec un « ami virtuel » chinois n’a pas moins de raison d’être que de taper dans une vraie balle dans la cour de l’école avec un ami d’enfance. Les outils de communication modernes n’ont pas seulement fait exploser la temporalité en imposant l’immédiateté comme norme, ils ont également fait naître une notion d’espace très différente, où un call avec Londres et Bombay est aussi courant qu’une discussion avec son voisin de palier. Dans ce monde-là, la notion même de « lieu de travail » est totalement redéfinie. Dans les années 2000, les bureaux fermés et individualisés ont fait place aux « open space » où chacun est en interaction avec les autres, mais tout en ayant une place définie. Après 2015 ont commencé à apparaître des lieux « partagés ». Les entreprises mettaient à disposition un certain nombre de postes de travail que les premiers arrivés occupaient sans place nominative. En parallèle, le temps de travail depuis la maison s’est également imposé. Un traducteur, un informaticien, un développeur, un consultant, les personnes chargées de travail administratif… n’ont pas besoin d’être physiquement présents sur un lieu de travail défini pour accomplir leur tâche et mener à bien leurs objectifs. Cette caractéristique est d’ailleurs de plus en plus mise en avant par les collaborateurs. Et c’est la raison pour laquelle le rêve de notre société idéale passe par la permission faite à tous de travailler d’où il le souhaite.
Une société égalitaire
Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises dans le cadre de la newsletter OpenSpace. Et probablement que le sujet sera encore traité ultérieurement. Le monde du travail actuel n’est pas un monde égalitaire. L’entreprise aujourd’hui ne permet pas à tout le monde, en fonction de ses convictions, de ses origines, de son genre, etc. de jouir pleinement des mêmes droits. Les femmes gagnent encore 20 % de moins. Elles sont sous-représentées dans les postes de direction ou du top management, elles sont parfois discriminées à l’embauche parce qu’elles sont jeunes et donc présentent « un risque » de tomber enceintes. La loi belge est de plus en plus attentive à cette inégalité et a d’ailleurs pris des dispositions pour y mettre fin. Mais il faut du temps pour que tout se mette en place. Pour la plupart des personnes interrogées dans le monde au travers de sondages ou d’évaluations, l’importance de tenir compte des spécificités est essentielle. Cette posture porte un nom : l’importance d’être soi au travail.