Tour d’horizon du management intergénérationnel
En Belgique, l’âge de la retraite ne cesse d’être relevé. Cela n’est pas sans conséquences pour les entreprises qui ont des travailleurs en fin de carrière et pour les travailleurs eux-mêmes. Ces dernières années, l’accélération des nouvelles technologies et l’arrivée de profils « digitaux » sur le marché du travail bousculent également le monde de l’entreprise. Comment gérer une fin de carrière dans ces conditions ? Quels sont les droits et les devoirs de chacun ? Comment faire cohabiter plusieurs générations de travailleurs ? Découvrez les premiers éléments de réponses dans cet article.
Les spécialistes l’appellent « la diversité générationnelle ». Ce concept aujourd’hui sur toutes les lèvres fait l’objet de nombreuses études. Et pour cause : aujourd’hui, en entreprise, il n’est pas rare de voir se croiser 4 générations de travailleurs. Il y a tout d’abord les baby-boomers, nés entre 1946 et 1964. Ces travailleurs sont considérés comme en fin de carrière. S'en suivent la génération X, nés entre 1965 et 1980; la génération Y, née entre 1981 et 1995 et, dernière arrivée sur le marché du travail, la génération Z (aussi appelée Milléniaux ou génération C pour Communication, Collaboration, Connexion et Créativité). Il s’agit de travailleurs nés après 1995. Ces 4 générations ont connu des mondes différents. Alors que les baby-boomers ont commencé à travailler avec des machines à écrire, la génération Z est née dans l’informatique, le digital et Internet. Sans grande surprise, ces 4 groupes de travailleurs ont donc des rapports différents au travail, à leurs employeurs et leurs entreprises. Et pourtant, ces 4 générations ont un objectif commun : collaborer au mieux pour que leurs projets (ou les objectifs de la société) réussissent.
Comment faire cohabiter des générations différentes ?
Pour des personnes d’âges différents mais surtout qui n’ont pas grandi avec les mêmes outils de travail (moyen de communication, accès à l’information…), il n’est pas toujours facile de trouver des points de convergence sur la manière de fonctionner. Par exemple, pour les générations plus vieilles (baby-boomer et génération X), le meilleur moyen de faire passer un message reste la réunion ou l’échange face à face informel. Une étude menée auprès de 2 000 travailleurs par le groupe de services de ressources humaines Acerta est d’ailleurs intéressante à ce titre. Elle démontre en effet que si la communication est importante pour toutes les générations, les plus jeunes estiment qu’un échange de mails est tout aussi valable qu’une discussion, ce qui paraît inconcevable pour les plus « âgés ». Dans ce contexte de cohabitation générationnelle, les attentes ne sont d’ailleurs pas les mêmes. On apprend en effet qu’un jeune sur trois ne se sent pas à l’aise de gérer un projet seul contre un 5e des plus « âgés ». La vie privée est également vue très différemment selon l’âge. Si les plus jeunes n’ont aucun mal à partager ce qu’ils vivent à la maison (ce qu’ils affichent d’ailleurs spontanément sur les réseaux sociaux), les plus âgés restent plus discrets concernant leur sphère privée. Enfin, autre constat, les plus jeunes voient davantage (88 %) leurs collègues comme des amis avec qui ils partagent loisirs et temps de midi, ce qui est moins le cas des plus âgés (67 %). On notera enfin que plusieurs études montrent que les Milléniaux accordent une grande valeur à l’équilibre vie privée/vie professionnelle, aux aménagements de travail (flexibilité, travail à distance…), au perfectionnement professionnel et au sens qu’a leur travail.
Et on fait quoi ?
Partant de ces constats, deux attitudes sont possibles. On peut soit se dire que les problèmes vont être nombreux et parfois insolubles. Soit partir du principe que l’intergénérationnel représente une belle opportunité en ne niant pas que cela ne va pas être toujours facile. Pour ce numéro d’OpenSpace, nous partons évidemment du principe que c’est une opportunité et que plusieurs pistes de travail peuvent être explorées. Pour réaliser l’intégration « générationnelle » au sein d’une entreprise, la toute première chose à faire est de ne pas nier que des différences existent. Le pire serait en effet de faire comme si tout le monde était identique. Permettre à chacun d’être ce qu’il est en fonction de son âge est essentiel. Pour favoriser les échanges et les apports multiples, il faut que l’entreprise et les RH soient attentifs à plusieurs choses. Premièrement, il importe que la communication entre les générations soit ouverte. Il est également primordial que le leadership tienne compte des différences générationnelles. Et il faut, enfin, que chaque génération soit sensibilisée et informées sur les « profils » des autres générations. On comprend en effet mieux ce qu’on connaît.
Faire travailler ensemble
La mise en place d’équipes de travail mixtes et multigénérationnelles doit être un objectif. Il n’est pas simple d’encourager les générations à travailler volontairement ensemble. La facilité serait en effet de laisser les groupes travailler entre eux (les baby-boomers d’un côté, les milléniaux de l’autre, par exemple) car ils ont, grosso modo, le même type de fonctionnement. Mais si on part du principe que chaque groupe, en tant que groupe générationnel, a ses qualités et ses défauts, on est certain qu’avec du temps et de l’encadrement, chaque entité d’un groupe générationnel va pouvoir apporter aux autres entités. Dit autrement : les baby-boomers (généralement reconnus pour une éthique de travail élevée et pour ne pas compter leurs heures) peuvent apprendre et échanger avec les Milléniaux (reconnus pour leur maîtrise des technologies), la génération X (reconnue pour sa capacité d’apprentissage rapide) et la génération Y (reconnue pour sa liberté et son goût pour l’expérience). Autre possibilité : faire travailler en binôme des personnes de générations différentes. Cela permettra naturellement le mentorat et la transmission de savoir.
Droits de fin de carrière
Gérer les fins de carrière, ce n’est pas qu’une question de générations qui se croisent, c’est aussi l'importance de comprendre que les personnes « plus expérimentées » ont des droits liés à leur longue expérience de travail. C’est le cas de ce qui est appelé le « crédit-temps ». Concrètement, et comme le rappelle sur son site le spécialiste des ressources humaines SD Worx (https://www.sdworx.be) « à partir de l’âge de 55 ans, les salariés qui remplissent les conditions jusqu'à leur retraite peuvent travailler à 4/5ème ou à mi-temps en optant pour un emploi de fin de carrière sous la forme d’un crédit-temps. Afin de compenser en partie la perte de salaire, l'Office National de l'Emploi (ONEM) verse une allocation aux travailleurs concernés ». On notera que les travailleurs qui choisissent le crédit-temps ne bénéficient de cette compensation qu'à partir de 60 ans. Seule exception : les travailleurs qui exercent un métier lourd, qui ont une carrière longue ou qui sont occupés dans une entreprise en difficulté ou en restructuration. Ces personnes peuvent demander un emploi de fin de carrière dès qu’ils atteignent l'âge de 50 ans. Depuis le 1er janvier 2019, ils perçoivent une allocation de l’ONEM à 60 ans et non plus 55 ans.
Fin de carrière en douceur
Il existe également ce qui est communément appelé « le régime d’emplois de fin de carrière doux ». Ce régime permet aux employeurs de réduire la charge de travail d'un travailleur âgé contre une indemnité octroyée en compensation de sa perte de salaire. Le système des fins de carrière en douceur existe depuis le 1er janvier 2018. Un travailleur âgé d’au moins 58 ans qui subit une perte de salaire à la suite d'un allègement de sa charge de travail peut, à certaines conditions, bénéficier d’une indemnité compensatoire exonérée de cotisations sociales. Jusqu’à fin 2018, l’indemnité ne pouvait être fixée que par convention collective de travail (CCT) conclue au niveau du secteur. Depuis le 1er janvier 2019, il est désormais possible d’accorder un emploi de fin de carrière en douceur par le biais d’une convention individuelle écrite avec votre travailleur. Certaines entreprises, administrations ou certains secteurs ont également instauré des « jours de vieillesse » pour leurs travailleurs en fin de carrière. Concrètement, ce système prévoit que les travailleurs ont droit à des jours de congé supplémentaires à partir d'un certain âge, sans perte de salaire. Généralement, le nombre de jours de vieillesse augmentent avec l’âge, de quoi partir reposé à la retraite.