Des liens sociaux autrement
Bonne année 2020 ! Qui aurait pu s’imaginer lors de ces précieux échanges de vœux à la Saint-Sylvestre l’année qui nous attendait ? Le coronavirus aura tout bousculé cette année. Un virus qui n’est malheureusement pas encore vaincu. Comment gérer les fêtes de fin d’année dans ce contexte particulier au travail ? Comment vivre avec ce manque de lien social ? Et surtout, comment en recréer ? Sur quelle base, alors qu’on doute de beaucoup de choses ? Voici quelques éléments de réponses.
Nous faisons actuellement face à un drôle de paradoxe. Alors que nous devrions pouvoir être les uns auprès des autres en ces temps difficiles pour se réconforter, s’aider et se soutenir, les règles sanitaires nous empêchent de nous voir, à l’exception de nos proches. Le lien social, si présent dans nos sociétés, est affecté. Il l’a d’ailleurs d’abord été dans les mots : la « distance sociale ». Le 20 mars, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a d’ailleurs officiellement changé sa terminologie parlant de « distances physiques » et non de « distances sociales ».
« Nous changeons de mots parce que nous voulons que les gens restent connectés », avait alors déclaré l'épidémiologiste de l’OMS Maria Van Kerkhove. Le lien social est aussi affecté dans nos vies de travailleurs puisque les réunions se tiennent pour la grande majorité en virtuel, le télétravail est encouragé et les événements reportés. Et pourtant, nous avons tous besoin de liens sociaux. Qu’ils soient festifs ou non.
Une vraie douleur sociale
Les humains sont des êtres sociaux et émotionnels. Nous survivons et prospérons en étant sociaux. Les enfants, les parents, les grands-parents sont attachés les uns aux autres. Nous avons tous des amis qui nous soutiennent dans la vie. Des collègues qui sont entrés dans notre quotidien et avec qui nous partageons tant de choses. Des personnes qui sont toujours là pour nous, précisément dans des moments comme ceux-ci. Il est essentiel de prendre conscience de cette « douleur sociale », de ce manque de contacts.
Matthew Lieberman, neuroscientifique social, a mené plusieurs études sur la façon dont notre cerveau traite la douleur sociale. Ses recherches ont démontré que pour le cerveau, la douleur sociale ressemble beaucoup à la douleur physique. Lors de ses études de terrain, plus le participant se sentait rejeté, plus intense était l'activité dans la partie du cerveau qui traite la détresse de la douleur physique. Ce qui est surprenant, c'est que des études montrent que les médicaments qui traitent la douleur physique, comme le paracétamol, peuvent également réduire la douleur émotionnelle comme le rejet social, car des circuits cérébraux similaires sont engagés lorsque nous ressentons une douleur physique. C’est peut-être pour cela que nous exprimons la douleur sociale en termes de douleur physique, comme « elle a brisé mon cœur », « il m’a blessé », « un coup de poignard »…
La douleur sociale est une vraie douleur. La douleur sociale est associée à une diminution du fonctionnement cognitif, à une agressivité accrue et à un engagement dans des comportements autodestructeurs, comme la prise de risque excessive et la procrastination. Il est donc possible de supposer que la distanciation sociale d’aujourd’hui soit aussi une véritable douleur physique. Et en entreprise, il est essentiel de prendre conscience de cette donnée.
Recréer du lien social
Il y a urgence à créer et recréer du lien social. Oui mais comment ? Premièrement, le véritable enjeu est de permettre à tous de se retrouver dans un projet, en tenant compte des perceptions et des enjeux individuels. Il est en essentiel de reconnaître les gens dans leur blessure, leur crainte, leur angoisse. Organiser des discussions individuelles entre les ressources humaines et les collaborateurs, mais aussi des moments de partage collectif sur ce que nous vivons constitue une première étape. Il faut écouter.
Deuxièmement, il faut accepter à tous les niveaux de pouvoir que l’exigence ou la volonté de perfection que nous souhaitons généralement tous pour notre travail ne soit pas aussi évidente dans un monde « transformé ». La re-création de liens sociaux passe aussi par l’acceptation que nous sommes tous engagés ensemble et que nous faisons tous de notre mieux.
Des moments festifs possibles
Les fêtes de fin d’année qui se profilent sont l’occasion de mettre en place divers outils pour partager ces moments entre collègues : organisation de moments festifs virtuels (dégustation de fromages, de vins ou d’huiles d’olive, par exemple), mise en place d’une chaîne de cadeaux via la poste où chaque collaborateur en reçoit un et en offre un.
Dans la même idée de chaîne, pourquoi pas des petites capsules vidéo dans lesquelles on se souhaiterait de belles choses pour l’année à venir sans prendre de risques sanitaires ? Aux Etats-Unis, depuis le début de la crise, certaines entreprises ont organisé des jeux de société à distance entre différents collègues. Il y a des dizaines de sites Internet qui proposent une version virtuelle de célèbres jeux. On notera par exemple le Loup Garou, Skribbl (sorte de Pictionary), ou encore Uno, la Fiesta de Los muertos (sauver les âmes de défunts célèbres en faisant deviner leurs noms grâce à un seul mot) ou Just One (deviner un mot grâce aux indices).
Les entreprises peuvent aussi engager des coachs en ligne pour des séances de sport, yoga, des webinars… Place à la créativité !