La concentration au travail, pas toujours simple. Mais possible.
La concentration n’est pas une tâche innée pour le cerveau humain. Nous sommes, de nature, distraits, car attentifs en permanence au monde qui nous entoure. Or, au travail, nous devons être concentrés. Question d’efficacité et de qualité. Voici donc quelques trucs et astuces pour y arriver.
Depuis une dizaine d’années, de nombreux articles expliquent à quel point la concentration est devenue problématique, et plus spécifiquement chez les jeunes, à cause des sollicitations ininterrompues des médias sociaux, des écrans… Mais, en fait, il en a toujours été ainsi. Le cerveau humain n’est PAS programmé pour être concentré. C’est même une de ses caractéristiques. Le cerveau humain est toujours aux aguets sur ce qui l’entoure. Il zoome et dézoome en permanence l’environnement où il se trouve afin d’analyser les informations qu’il reçoit et de voir s’il y a un quelconque danger. C’est d’ailleurs ce qui a permis aux humains de survivre et de n’être ni mangés ni tués par des prédateurs. Si quand Claudia passe dans le couloir, vous jetez un œil vers elle oubliant votre mail en cours, c’est un réflexe naturel. Instinctivement, vous vous assurez que votre environnement est sans danger. Passer d’une chose à l’autre est inné. Et il existe même une expression en anglais pour définir cet état, le « monkey mind ». Aller de pensée en pensée à la manière d’un singe qui saute de branche en branche. Sautons sur quelques branches ensemble.
Travailler en musique ou pas ?
Un des grands débats sur la concentration dans le milieu du travail concerne la musique. Vous savez, celle qu’on met en bruit de fond pour tout le monde dans le bureau ou bien celle qu’on écoute seul avec nos écouteurs enfoncés dans nos oreilles. Certains expliquent à quel point la musique leur permet de se concentrer et d’être boosté. D’autres, à quel point elle les déconcentre ou les agace.
Ce débat n’est pas récent et fait régulièrement l’objet d’études scientifiques. En 1993, par exemple, une étude américaine sur le sujet a été publiée dans la très sérieuse revue Nature. Elle évoquait un lien direct entre le taux élevé de réussites à certains tests de raisonnement spatial et l'écoute de sonates de Mozart. Ce lien a d’ailleurs été appelé l’ « effet Mozart ».
En 2005, Teresa Lesiuk, professeure de thérapie musicale à l'université de Miami, est parvenue à démontrer que les travailleurs qui écoutaient de la musique effectuaient plus efficacement des tâches et proposaient de meilleures idées que ceux qui travaillaient en silence. Un résultat confirmé en 2020 dans une étude réalisée par le Dr. Neil McLatchie, de l'Université de Lancaster.
À l’inverse, en 2010, la revue scientifique Applied Cognitive Psychology, expliquait, tests à l’appui, que l’influence de la musique sur la concentration était négative.
Alors que penser face à ces résultats contradictoires ? La réponse se trouve peut-être dans une autre étude. En 2013, des chercheurs finlandais et italiens ont en effet démontré que les résultats dépendaient d’abord de la musique. Si elle était familière, elle permettait la concentration. Ce qui n’était pas le cas si elle était inconnue. L’étude explique également que les effets positifs ou négatifs du travail en musique étaient d’abord et avant tout personnels et qu’il n’était pas prudent de généraliser l’approche.
Si notre collègue ou notre enfant nous explique qu’il travaille mieux avec de la musique, alors que cela nous semble impossible, on peut peut-être lui laisser le bénéfice du doute.
Nous ne sommes pas tous égaux
Notre cerveau n’est pas le même que celui de notre collègue. Nous sommes tous différents. Certains ont plus de facilité à se concentrer que d’autres. C’est un fait scientifique.
Apprendre à se concentrer, c’est donc d’abord apprendre à se connaître. C’est ce qu’avouait récemment Adrien Devyver, célèbre animateur télé-radio de la RTBF, pour évoquer son TDA/H (Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) : « J’ai dû apprendre à fonctionner, à maîtriser l’ouragan qui se déchaîne fréquemment dans ma tête ».
En Belgique, 5 à 10 % des enfants souffrent de cette maladie, et 2 à 5 % des adultes. Une maladie dans laquelle ne sont pas inclues les personnes souffrant de sensibilité ou d’hypersensibilité et qui elles aussi, ont parfois beaucoup de mal à rester concentrées ou à travailler dans un univers qu’ils jugent « envahissant ».
Nous n’avons ni les mêmes aptitudes ni les mêmes sensibilités. Alors, on fait quoi pour se concentrer ? La première chose que nous pouvons faire est de lister nos facteurs de distraction (bruit, ordinateur, animal de compagnie, pauses café ou cigarettes, collègues…). Ensuite, nous pouvons à côté de chaque perturbateur, amener une solution. Par exemple, éteindre son GSM, fermer la porte de son bureau, avoir un thermos de café avec soi, signaler à ses collègues qu’on n’est pas disponible pour une période définie…). Une autre liste intéressante à dresser est celle de nos facteurs de concentration (la musique ou le silence J, la présence d’un collègue qui nous motive, un endroit particulier…).
Conseils très très pratiques
Il y a encore de nombreux autres conseils pratiques et qui sont plus généralement partagés par tout le monde.
- Être en forme physiquement. Nous connaissons tous l’expression « Mens sana in corpore sano ». Et pour cause, bien dormir, être reposé ou encore pratiquer une activité physique est essentiel. Et si vous êtes au bureau, avant un Teams ou une réunion, n’hésitez pas à bouger. On se lève, on se secoue un peu. On saute sur place. On va réveiller tout le corps et le cerveau.
- Ne faire qu’une tâche à la fois. On aimerait pouvoir répondre à un e-mail, tout en écoutant son collègue parler de ses enfants et en jetant un œil sur son smartphone. Mais ce n’est pas possible. Et ceux qui disent qu’ils savent le faire se trompent. Apprendre à se concentrer, c’est d’abord apprendre à déterminer ce qui doit être fait prioritairement et uniquement.
- Déterminer des plages de travail spécifiques et raisonnables pour se concentrer. Se dire qu’on va travailler 3 heures sans pause pour être concentré n’est non seulement pas réaliste, mais est impossible. Les plus grands sportifs du monde ont une durée moyenne de concentration de maximum 2 heures. Max Verstappen, champion du monde de F1, ne pourrait pas faire un Grand Prix de 3 heures.
- Aérer son bureau, aller dehors quelques minutes permet en effet de régénérer son cerveau en oxygène. Et d’être plus concentré.
- Surveiller son alimentation. L’alcool, la cigarette ou les aliments trop gras sont évidemment à bannir pour être concentré. Boire de l’eau en suffisance est également fortement recommandé.
- Enfin, en fonction de chacun, certains éléments auront de l’importance ou pas comme la température de la pièce, la position (debout ou assis), la lumière du jour ou l’intensité lumineuse de l’écran d’ordinateur.
Ces petits signes qui trahissent un manque de concentration
Nous sommes tous régulièrement confrontés à des interlocuteurs qui ne sont pas spécialement concentrés sur ce que nous sommes en train de dire. Comment le savoir ? C’est assez simple en étudiant le body langage.
Le coach en communication américain Nick Morgan (auteur du livre Power Cues : The Subtle Science of Leading Groups, Persuading Others, and Maximizing Your Personal Impact), nous explique en effet que « Le cerveau fonctionne de telle sorte que nous exprimons d’abord nos émotions à travers notre corps et cela peut prendre jusqu’à neuf secondes avant que notre conscience ne soit atteinte ».
Alors, à quoi faire attention ? Tout d’abord, à la position des pieds. Si notre interlocuteur nous écoute, ses pieds seront dans notre direction. Dans le cas contraire, il est déjà parti ailleurs. Ensuite, au regard. Si notre interlocuteur nous fixe trop et hoche la tête, il essaye de nous rassurer sur le fait qu’il nous écoute, ce qu’il ne fait justement pas. Troisième point d’attention, la distance laissée par votre interlocuteur. Plus elle est importante, plus le risque de ne pas être pleinement écouté existe. Enfin, regardez les mains. Si elles chipotent avec quelque chose (livre, GSM…) ou si votre interlocuteur joue avec ses doigts, il a probablement décroché.
Quand l’autre ne nous écoute pas, trois facteurs peuvent être à l’origine de cette dispersion. La personne en tant que telle, l’environnement dans lequel nous nous trouvons et, enfin, nous-mêmes.
Nous ne pouvons pas agir sur la nature de personne en face de nous. En revanche, nous pouvons éliminer tous les perturbateurs de notre environnement (bruit, téléphone, choix du lieu…). Enfin, nous pouvons faire notre maximum pour capter l’attention de notre interlocuteur (regarder dans les yeux, sourire, être attentif à la forme et au fond, pratiquer l’humour…).
Enfin, dernières réflexions pour les managers. Pourquoi ne pas créer des « opportunités de concentration » ? Rien ne nous empêche, pour les tâches qui requièrent une plus grande attention, d’autoriser le télétravail, de créer des salles de travail « concentré » ou d’instaurer des journées sans réunion pour ne pas être interrompu par des meetings toute la journée.
Voilà, nous arrivons à la fin de cet article. Ça va ? Tout le monde a suivi ?