La parentalité, une plus-value pour tout le monde
Personne ne devrait avoir à choisir entre travailler ou être parent. Et pourtant, le travail et la vie de famille semblent parfois être mis en concurrence. Du fait de la pression, celle qu’on se met tout seul et celle que l’on fait peser sur nous. Mais aussi de la culpabilité. De partir plus tôt du travail. Ou de revenir trop tard à la maison. La parentalité est une donnée RH essentielle. Et en étant créatif, il y a beaucoup de solutions pour équilibrer le tout.
« Pendant des années, quand j’étais dans mon ancien travail, j’avais la boule au ventre quand mon téléphone sonnait. Je priais pour que ce ne soit pas la crèche qui m’appelle pour me dire que mon fils était malade. La culture d’entreprise était vraiment très fermée à la parentalité. Être jeune maman était carrément mal vu. Cela me mettait une grosse pression totalement inutile » explique Charlotte 41 ans, maman de Pauline (11 ans) et de Jean (6 ans).
L’exemple de Charlotte n’est pas un cas isolé. Longtemps, en effet, la culture d’entreprise était de totalement séparer sa vie de parent de sa vie au travail. Avec même parfois des remarques qui faisaient bien comprendre que le boulot passait avant toute autre chose. Mais, bonne nouvelle, tout cela change petit à petit et la parentalité est une préoccupation de plus en plus importante pour les entreprises.
La guerre de la parentalité.
Dans une période de guerre de talents, les sociétés sortent désormais aussi la carte de la parentalité pour recruter.
C’est le cas d’AB InBev en Belgique qui a décidé l’année dernière de donner un joli coup de pouce aux jeunes parents. L’entreprise octroie un congé de maternité de 26 semaines entièrement rémunérées, soit 11 de plus que ce qui est légalement requis en Belgique. Ab InBev s’est aussi engagée a doublé le congé payé à 100 % pour les pères ou les co-parents, en le passant à l’époque de 2 à 4 semaines.
Aux Etats-Unis, où les congés parentaux payés n’existent pas, certaines entreprises proposent des avantages connus en Europe (crèche d’entreprise, congés parentaux…), mais aussi d’autres possibilités comme des congés parentaux pour le conjoint, des solutions de garde d’enfants, et même la congélation des ovocytes.
Depuis près de 10 ans, Fatherly (site spécialisé sur la parentalité) joue à fond sur la marque employeur des sociétés américaines en établissant chaque année le classement des « 50 meilleures entreprises pour les papas ». L’année dernière, c’est American Express qui était en tête. Son secret : les employés d’Amex peuvent bénéficier de 35.000 $ pour leurs traitements médicaux (fertilité) ou leurs démarches d’adoption. L’entreprise subventionne également une partie des frais liés à la garde d’enfants. Etsy, propose, elle, des facilités de gardes et des aides pour les parents d’enfants en situation de handicap. Twitter joue plutôt sur le pouvoir d’achat et l’accompagnement. Quand ils reviennent de congés, les employés qui le souhaitent deviennent « parents Twitter ». Ils ont ainsi accès à des groupes de discussion et d’entraide, mais surtout, à de nombreuses réductions sur des produits et services pour les parents.
Quand l’entreprise est pionnière
Le pouvoir d’attraction pour une entreprise se joue sur plusieurs terrains. La parentalité en est un. En 2018, 105 entreprises françaises employant près de 20.000 personnes au total ont signé le « Parental Act ». Une charte dans laquelle ils promettent de prendre en charge à 100 % un “congé second parent” d’un mois minimum pour chaque salarié qui accueille un enfant. Le succès rencontré par cette mesure a été immédiat et l’accueil des jeunes travailleurs, très enthousiaste. Conséquences : deux ans plus tard, 400 entreprises ont signé cette charte et le gouvernement français a doublé son congé de parentalité (de 14 à 28 jours).
La start-up Zenly (social map app) a signé cette charte, mais a même été plus loin puisque Zenly a ainsi offert 16 semaines au second parent. Et pour marquer le coup, a communiqué massivement en interne sur le sujet « afin que les salariés ne pensent pas que ce serait mal vu d’en profiter. Nous l’avons même inscrit dans notre Team Playbook (document qui regroupe les différents process de la vie chez Zenly, NDLR) comme une norme » explique la directrice générale.
Qu’offrir de concret ?
Les souhaits d’un parent ne sont pas ceux d’un autre. On peut néanmoins, au vu de ce qui est proposé dans certaines entreprises, lister quelques pistes de réflexion. Première piste, le congé de parentalité. À votre avis, dans quel pays les pères et les mères reçoivent-ils 360 jours de congé de parentalité avec 160 jours ouvrés d’allocation (sept mois en comptant les week-ends) pour la mère et… le père ? Avec, oh jalousie, la possibilité de transférer 63 jours d’un parent à l’autre. Vous avez pensé à la Finlande ? Bravo ! Et dans quel autre pays les pères ont-ils 15 semaines, avec les 6 premières obligatoires ? Vous avez pensé à l’Espagne ? Encore bravo ! En Belgique, nous n’en sommes pas encore là, même si les mentalités bougent petit à petit. Pour les mères, le congé dure 15 semaines. Pour les pères, c’est 15 jours, contre 3 il y a 20 ans. Voilà probablement un vrai levier d’attraction pour une société.
Le droit à la déconnexion et la flexibilité des horaires ont été des points d’attention importants lors de la pandémie. De nombreux parents ont apprécié (même si c’était parfois compliqué) le fait d’être flexible et présent pour leurs enfants. En 2022, pour être attractif, il semble essentiel de proposer des plages horaires flexibles, du télétravail et de la déconnexion sans culpabilité.
Pourquoi ne pas repenser les réunions et décider qu’après 15 h 00, aucune réunion ne sera mise, histoire de ne pas mettre de pression sur les parents qui doivent aller rechercher leur enfant à l’école ou à la crèche ? De même le mercredi, jour souvent choisi par les parents à temps partiel.
L’organisation de rendez-vous familiaux en entreprise est aussi une autre piste. La Saint-Nicolas, Halloween, Pâques… peuvent être autant d’occasions de passer de bons moments ensemble (chasse aux oeufs, partages de cadeaux…). Il existe aussi le Kid’s Day où les parents sont autorisés à emmener leurs enfants au travail.
Enfin, vous pouvez offrir ou rembourser certains moyens de garde (crèches…).
Bon pour l’entreprise
Prendre en compte la parentalité dans son entreprise, ce n’est pas qu’une bonne chose pour les parents. C’est aussi un atout majeur pour l’entreprise en elle-même. On en a parlé, il y a évidemment l’aspect attractivité.
Mais le retour terrain démontre également que cela réduit le turn-over, ce qui est souvent un réel souci pour la société qui perd du temps à engager de nouveaux talents et à les former.
Par ailleurs, il n’y a plus besoin de démontrer qu’un employé qui se sent entouré et apprécié, sera davantage engagé vis-à-vis de son employeur.
On notera enfin que les performances humaines et la productivité font généralement de pair avec bien-être et engagement.
Quid du retour de congé de maternité/paternité ?
À la fin du congé de parentalité, il faut reprendre le “vrai travail”. Celui qui permet de payer ses factures et ses crédits. Parfois, ce retour est une petite délivrance. On va souffler un peu et arrêter de jouer aux gendarmes et aux infirmiers. Parfois, c’est plus compliqué. Parce que l’enfant va manquer, parce qu’on a aimé ces moments de partage et de tendresse. Parce que, tout simplement, on ouvre un nouveau chapitre.
Dans tous les cas, les jeunes parents le savent, ils vont devoir jongler avec deux jobs à temps plein. C’est à ce moment précis que l’entreprise a l’énorme opportunité de se démarquer et d’accompagner son collaborateur. Comment ? Tout d’abord en prenant conscience que le retour d’un congé de maternité/paternité est une réelle épreuve. Entre la dette de sommeil, le stress de laisser son enfant seul à d’autres bras pour le bercer et une réelle déconnexion avec le monde du travail, les dossiers… Le retour au bureau est loin d’être simple.
AB InBev facilite également le retour au travail : les collaborateurs qui le souhaitent peuvent reprendre le travail à 75 % pendant les deux premiers mois avec une rémunération de 100 %.
Certaines sociétés proposent un entretien deux semaines avant la reprise afin de baliser ce qui est attendu. Cela évite aussi de trop cogiter et de se stresser pour le jour J.
Autre point important, mettre au clair ce qui se passe dans certains cas plus compliqués. Par exemple, un enfant malade, un problème de crèche ou de garde… On notera d’ailleurs qu’en Belgique, il est légalement possible de continuer à allaiter son enfant ou à tirer du lait. Une pratique qui se fait jusqu’à 9 mois après la naissance et sous certaines conditions.
Partager ce type d’information avec ses collaborateurs est essentiel pour qu’ils se sentent en confiance et qu’ils reviennent avec le sourire au travail.
Enfin, on terminera en rappelant que la meilleure manière de faire comprendre que la parentalité est au coeur d’une entreprise est de le démontrer par l’exemple. En 2018, Jacinda Ardern, alors première-ministre néo-zélandaise, est arrivée avec son mari et sa fille de 2 ans aux Nations Unies où elle devait prononcer un discours. Une image qui permet de casser les stéréotypes de genre et qui démontre que la vie privée n’est ni accessoire ni à reléguer au second plan. La première ministre voulait montrer à tout le monde qu’elle est femme politique, mais aussi maman. Tout simplement.