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Job passion, trop de pression ?

On fait dire beaucoup de choses au mot « passion ». Et nous y accrochons tous des souvenirs, des envies, des idées ou des mots différents.

Pour certains, la passion, c’est le sport, les animaux, le bricolage, la musique, la montagne ou la lecture.

Pour d’autres, le mot passion fait penser à l’amour ou aux voyages. 

Parfois, on associe au mot «passion» le mot « travail ».

Ne dit-on pas que «  L'homme passionné par son travail n'a pas le sentiment de travailler » ? Ou encore que « Un travail passionnant se définit par une chose : vous avez autant d'énergie positive quand vous rentrez chez vous qu'au moment où vous avez entamé votre journée » ?

Il est d’ailleurs dans l’air du temps de croire que la passion est la clef absolue du bonheur professionnel.

Si aimer son travail et s’y trouver passionné est évidemment un plus, l’accomplissement professionnel passe aussi par bien d’autres choses. Il existe même certains risques quand on est « passionné par son travail ».

Bonne lecture à tous,

Article thématique

  • La passion avant tout, vraiment ?

    « Si à 30 ans, vous n’avez pas un job #passion, c’est que vous avez raté votre vie profession-nelle ». Nous avons déjà tous entendu ou lu cette sorte de mantra (formule sacrée) au détour de séminaires ou de séances de coaching. Quel que soit l’âge, l’idéal au travail serait d’y être passionné. Dans la réalité, ce n’est pas aussi simple que ça. Il y a la passion, la raison, la quête de sens ou encore juste la satisfaction d’être utile. Essayons d’y voir un peu plus clair.

    Il y a quelques jours, le très sérieux journal français Le Monde publiait un article sur les jeunes et leur rapport au travail intitulé : « Une révolution silencieuse ». Cet article, études à l’appui, expliquait comment le travail est envisagé par les moins de 35 ans aujourd’hui. La rupture avec la vision qui a prédominé pendant des décennies et qui consistait à « tout donner à l’entreprise, même ses jours et ses nuits si besoin », est totale. Dans les années 2000, pour parler de la réussite dans son travail, on évoquait souvent l’idée de s’élever dans la hiérarchie et de (très) bien gagner sa vie. Aujourd’hui, si vous discutez avec des ados ou des jeunes travailleurs, ils vous parleront en priorité de sens, de flexibilité, d’utilité, de temps libre et de passion comme critère de réussite.

    Une « vision » qui ne touche d’ailleurs pas que les plus jeunes puisque de nombreux quadragénaires et quinquagénaires se sont réorientés ces dernières années pour « être en phase et passionnés ».

    Alors, la passion, à tout prix ?

     

    Utile, passionné et/ou juste à sa place… ?

    Nous avons tous un rapport différent au travail. Et l’erreur est parfois de vouloir hiérarchiser cette différence. Finalement, seul le collaborateur sait ce qui lui convient le mieux. Si certains ont besoin d’être passionnés (et se définissent comme tels), il existe des tas de collaborateurs très heureux, qui participent pleinement aux activités de l’entreprise sans pour autant vivre leur travail avec passion. Ils font les tâches pour lesquelles ils ont été embauchés, et ils les font très bien. Leur rapport au travail est d’être « à la bonne place ».

    D’autres collaborateurs ont besoin d’être utiles dans leur travail et de trouver du sens dans ce qu’ils font. La passion n’est pas du tout leur priorité. Ils chercheront un emploi où ils peuvent partager une vision du monde, un engagement social ou des valeurs qui les rendent vivants.

    Pour d’autres encore, le rapport au travail doit être un rapport d’équilibre entre ce qu’il nous est demandé de faire et les compétences dont on dispose pour effectuer parfaitement ces tâches. Cet équilibre porte d’ailleurs un nom scientifique (le flow) et a été défini par Mihály Csíkszentmihályi comme « l’état de motivation et d’attention focalisées qui permet de mobiliser au mieux ses facultés et d'atteindre une performance optimale ».

    Ces quatre approches du travail ne sont pas exclusives les unes des autres. Elles sont parfois parfaitement complémentaires.

     

    « Mon job me passionne ! » : gare aux risques 

    Vos collaborateurs sont heureux et adooooorent leur job. C’est génial ! Pourtant les Ressources Humaines doivent se prémunir de certains risques.

    En effet, un travailleur passionné par son job peut le vivre de manière harmonieuse. Il se sent bien et vit des émotions positives dans ses tâches et ses interactions avec ses collègues. Il arrive, cependant, que certaines personnes aient un rapport obsessionnel au travail. On parle alors de « passion-obsession ». C’est là que les choses se compliquent. 

    Premièrement, ces collaborateurs risquent de travailler trop, car ils pensent qu’ils doivent performer et atteindre tous leurs objectifs pour devenir un modèle au sein de l’entreprise. Cela se traduit par des longues journées épuisantes avec un risque, à terme, de burn-out. 

    Deuxièmement, ils font des heures supplémentaires sans compter, et la plupart du temps, ne les récupèrent pas. S’ils ne peuvent s’empêcher de bosser, même gratuitement, la plupart finissent par ne pas se sentir valorisés ou reconnus pour ce qu’ils font.

    Ils sont aussi souvent joignables H24 et ne déconnectent donc jamais vraiment. Ce n’est pas tenable sur la longueur et cela peut même jouer négativement sur la vie familiale et personnelle.

     

    Le sentiment d’être LE sauveur

    Les personnes passionnées avec un rapport obsessionnel au travail ont aussi tendance à faire les tâches souvent ingrates que les autres ne veulent pas faire ou qu’ils disent ne pas avoir le temps de faire. Le cas typique est celui d’un responsable d’une petite équipe de 4-5 collaborateurs. Ils travaillent tous de 08h30 à 17h. Si un collègue doit absolument partir, mais n’a pas fini sa tâche, le responsable, persuadé de bien faire, va probablement s’engager à terminer le job. Il va aussi proposer à ses autres collaborateurs de rentrer chez eux pour qu’ils profitent de leur soirée, car ils ont déjà beaucoup donné. En tant que manager appliqué, il tiendra son engagement et restera au bureau très tard. La suite est connue ? Surcharge de travail, manque de considération ou de gratitude… Les risques avec les personnes qui font de l’héroïsme individuel et sprintent plutôt que de voir la vie au travail comme un marathon sont grands.

     

    Connaissez-vous le job crafting ?

    Parfois, quand on a l’impression d’avoir perdu un peu de passion, on pense que la solution est de changer de job. C’est une approche extrême et souvent pas adaptée. Un collaborateur dans une telle situation peut aussi envisager le job crafting ou « l’artisanat du travail ». Cette idée est utilisée depuis près de 20 ans, mais est réellement explorée depuis quelques années. Le concept est de redéfinir soi-même ses tâches au travail. En clair, c’est la possibilité pour l’employé de « customiser » ses propres actions professionnelles pour que celles-ci répondent mieux à ses besoins et à la vision de son job sans qu’il ne doive officialiser ces changements de tâches avec sa hiérarchie.

    Concrètement, le job crafting se divise en trois niveaux.

    1.  Le « task crafting» où le collaborateur modifie le type et le nombre de tâches qu’il accomplit. Exemple : l’employé qui crée un petit logiciel sur son ordinateur pour des tâches répétitives ;
    2.  Le « relational crafting» où le travailleur change la nature des relations qu’il entretient avec ses collègues et/ou clients et la manière de les aborder. Exemple : la personne qui fait le tour des bureaux pour saluer chacun le matin ;
    3.  Le « cognitive crafting» où l’on façonne la perception que l’on a de son travail pour lui donner plus de sens. Exemple : l’infirmier qui estime que s’asseoir près des résidents de la maison de retraite pour leur tenir compagnie durant les repas va briser leur sentiment de solitude.

    Le principal avantage du job crafting est de raviver la flamme chez les collaborateurs qui le pratiquent. Comme ils modélisent eux-mêmes leur quotidien, ils restent motivés. Ils donnent ainsi du sens à leur travail, prennent plus de plaisir et obtiennent souvent de très bons résultats.

    Peut-être une piste RH à explorer en 2022.

Inspirations

  • Et pour les nouvelles générations ?

    La rigidité hiérarchique qui convenait aux générations baby-boomers (nés entre 1946 et 1964) et X (nés 1965 et 1980) se voit bousculée par l’arrivée des générations Y (appelée aussi millénials, nés entre 1981 et 1996) et Z (nés entre 1997 et 2012).

    En effet, selon un rapport de l’institut Gallup* près de 60% des millénials considèrent que lapprentissage et l’épanouissement sont extrêmement importants quand ils postulent à un emploi, contre 44% des X et 41% des baby-boomers. Ils ont donc besoin d’un job qu’ils vont pouvoir eux-mêmes définir… Cela ne vous rappelle rien ? (Cf : connaissez-vous le job crafting?)

    Source : « How Millennials Want to Work and Live » 

     

  • Faire de sa passion son métier, pas si simple

    Faut-il faire de sa passion son métier pour ne pas avoir l’impression de travailler ? Cette question est loin de faire l’unanimité. Et pour cause…

    Tout d’abord, tout le monde n’a pas une passion. Certaines en ont plusieurs, d’autres aiment bien faire certaines choses, mais ne les définissent pas comme une passion. Et même quand on cherche, découvrir (et assumer) sa passion n’est pas toujours évident.

    Il y a parfois la pression des genres. Par exemple, une jeune femme fascinée par le sport moteur oserait-elle y consacrer sa vie sachant que c’est un milieu qui peut se révéler machiste et sexiste ? Autre obstacle, la pression sociale. Un jeune homme issu d’un milieu aisé et fan de tuning, osera-t-il en faire son métier sachant les a priori qu’on accole à cette pratique ?

Le saviez-vous ?

  • 7

    C’est le nombre d’analyses réalisées en 2020 par l’American Psychological Association sur la passion au travail ces dernières années.

    7 études qui démontrent que les personnes interrogées considèrent qu'un mauvais traitement des travailleurs (par exemple, demander aux employés d'effectuer des tâches dégradantes sans rapport avec leur description de poste ou demander aux employés de faire des heures supplémentaires sans rémunération) est plus légitime lorsque les travailleurs sont présumés « passionnés » par leur travail.