News
147

Non verbal : apprenez à « lire » vos collègues

Dire oui avec les mots, mais non avec le corps. Serrer une main très mollement, ou au contraire trop fort, lors d’un rendez-vous. Parler à ses chaussures et non aux personnes devant nous. Avoir les bras croisés quand on nous parle… Tout ce que nous faisons (et pas uniquement disons) raconte quelque chose de nous.

« La chose la plus importante dans la communication est d'entendre ce qui n'est pas dit. »

Phrase qui donne à réfléchir, n’est-ce pas ? Elle provient du grand journaliste et théoricien du management américain Peter Drucker.

Et c’est exactement ce que nous souhaitons décrypter dans cette newsletter.

Bonne lecture,

Claudia

Article thématique

  • Qu’est-ce que tu me racontes ?

    93 % de la communication serait non verbale. Que racontent votre corps, votre attitude, votre regard pendant un échange ? Nous communiquons tous en permanence des informations sur qui nous sommes et ce que nous sommes. Peut-on maîtriser ce flux d’infos ? Et comment lire les autres ? Décryptage.

    L’anecdote est réelle : interrogé un jour sur ses souvenirs les plus mémorables, le célèbre animateur français Michel Drucker a expliqué que recevoir Céline Dion en première mondiale pour une interview exclusive après le succès interplanétaire de son album D’eux (1995) avait été une des plus grandes fiertés de sa carrière. Un moment néanmoins un peu gâché par le commentaire de sa maman à qui il a téléphoné après l’émission. Quand il lui a demandé comment elle l’avait trouvé et s’il avait posé des questions intéressantes, elle lui a répondu qu’elle n’en savait rien, en précisant : « Je me suis demandé toute l’interview qui avait bien pu te conseiller de choisir cette cravate qui ne t’allait pas du tout, mon fils. »

     

    La communication non verbale, de quoi on parle ?

    La communication non verbale (CNV) est souvent définie comme l’ensemble des attitudes qu’on peut observer lorsque quelqu’un s’exprime. Ce n’est pas faux, mais c’est incomplet. La CNV va très au-delà de cette idée.

    On pourrait la définir comme « l'ensemble des moyens de communication qui ne passent pas par les mots ». Cela inclut les gestes, les expressions faciales, la posture, les mouvements corporels, le contact visuel, la distance physique entre les personnes, le ton de la voix, et même l'apparence physique, ou encore les odeurs.

    En clair : ce sont toutes les informations qu’une personne fournit à une autre sans parler.

    On distingue dans cette CNV deux aspects : le non verbal et le paraverbal.

     

    Le non verbal, ce sont :

    • Les expressions faciales : les sourires, les froncements de sourcils, les clins d'œil, etc.
    • Les gestes : les mouvements des mains et des bras, comme pointer, saluer ou lever le pouce
    • La posture : la façon dont une personne se tient ou s’assoit
    • La proxémie ou l’usage de l’espace : plus on connaît une personne, plus on en est proche physiquement
    • Le contact visuel : la fréquence, la durée du regard, son intensité
    • L’apparence : l’habillement, la coiffure et autres aspects de la présentation personnelle
    • Les expressions corporelles : les mouvements du corps comme les hochements de tête, les balancements sur ses pieds…
    • Le toucher : les poignées de main, les tapes sur l’épaule, les étreintes en disent long sur une personnalité. Donald Trump ne serre pas la main de ses interlocuteurs, il essaye de les broyer pour montrer qu’il est le chef. La preuve en images.

     

    On appelle communication paraverbale tout ce qui concerne la manière dont les mots sont dits, plutôt que les mots eux-mêmes. Elle inclut :

    • La tonalité : la hauteur de la voix, qui peut exprimer des émotions comme la colère, la joie ou la tristesse, la rancœur…
    • Le volume : l’intensité sonore indique souvent l’émotion ou l’importance de ce qui est dit
    • Le rythme et la vitesse : la rapidité avec laquelle les mots sont prononcés, pouvant indiquer l’excitation, l’impatience ou la nervosité
    • L’intonation : la variation de la tonalité au cours de la phrase, influençant la signification et l’interprétation des mots
    • Les silences et pauses : l’utilisation de moments de silence, qui peuvent servir à souligner l’importance, montrer de l’hésitation ou laisser place à la réflexion
    • L’accentuation : mettre l’accent sur certains mots pour en modifier le sens ou l’importance

    On notera pour être tout à fait complet que l’accent de la région dont nous provenons peut aussi raconter des choses sur nous.

     

    5 conseils pour lire vos collègues

    Vous avez déjà rêvé de lire les pensées des autres ? Bon, ce super pouvoir reste de l’ordre du fantastique, mais nous avons tous la capacité de lire quand même un peu ce que les autres nous racontent d’eux.

    Lire la communication non verbale d'un collègue nécessite de prêter attention à plusieurs aspects de son comportement, de ses expressions et de ses gestes. Voici quelques conseils pour mieux interpréter la communication non verbale dans un environnement professionnel :

    Observez les expressions faciales

    • Sourires : le sourire est-il authentique ? Si oui, généralement, des petites rides se forment autour des yeux (rides du sourire). Un sourire figé peut indiquer une tentative de masquer de la gêne ou de l'agacement.
    • Contact visuel : maintenir un contact visuel peut signifier l'intérêt et l'honnêteté, tandis qu'un regard fuyant peut indiquer de la nervosité, de la distraction ou un manque d'intérêt.

    Analysez le corps

    • Posture ouverte ou fermée : une posture ouverte (bras ouverts, position détendue) indique souvent de la confiance et de la réceptivité. Une posture fermée (bras croisés, corps replié) peut signifier de la défense, de la réserve ou de l'inconfort.
    • Position du corps : si votre collègue se tourne vers vous, cela peut montrer de l'intérêt et de l'engagement. S'il s'éloigne ou se tourne fréquemment, cela peut indiquer le contraire.

    Détectez les gestes 

    • Gestes des mains : des gestes expressifs et ouverts peuvent montrer de l'enthousiasme et de l'engagement, tandis que des gestes minimaux ou cachés peuvent indiquer de la réserve ou de l'anxiété.
    • Gestes récurrents : jouer avec des objets, tapoter du pied, ou d'autres gestes répétitifs peuvent être des signes de nervosité ou d’impatience.

    Écoutez le paralangage 

    • Ton et volume de la voix : un ton chaleureux et un volume modéré suggèrent de l'aisance et de la sincérité, tandis qu'un ton monotone ou un volume très bas ou très élevé peut indiquer un manque de confiance, de l'ennui ou du stress.
    • Rythme et débit : un discours rapide peut être un signal de la nervosité ou d'excitation, tandis qu'un discours lent peut indiquer de la réflexion ou de la fatigue.

    Observez la proxémie 

    • La distance que maintient un collègue peut révéler son niveau de confort. Se rapprocher peut indiquer une volonté de collaboration ou de confiance, tandis que maintenir une distance peut suggérer une volonté de maintenir des limites professionnelles.

    N’oubliez surtout pas de prêter attention au contexte dans lequel vous « lisez » votre collègue, et ne tirez pas de conclusions d’un seul geste ou d’une expression isolée. Il est possible par exemple qu’il ou elle soit malade, ou ait l’esprit ailleurs à cause d’un événement de sa vie personnelle.

     

    La CNV est aussi culturelle 

    Certains évoluent dans un contexte professionnel où plusieurs nationalités, origines, religions... se côtoient. C’est l’occasion de préciser qu’une partie de la communication non verbale est culturelle. Ce qui est considéré d'une certaine manière dans une culture comme acceptable, peut être totalement interdit ou mal perçu dans d'autres. 

    Voici quelques exemples illustrant les différentes interprétations selon les cultures :

    • Oui : dans certaines cultures, un signe de tête signifie « oui », tandis que dans d'autres, comme en Bulgarie et en Grèce, il peut signifier « non ».
    • Pouce levé : ce geste est couramment utilisé pour exprimer l'approbation dans les pays occidentaux, mais il peut être offensant dans certaines cultures du Moyen-Orient et d'Asie du Sud.
    • Sourire : dans certaines cultures asiatiques, un sourire est parfois utilisé pour masquer l'embarras ou la gêne.
    • Contact visuel : un contact visuel prolongé peut être considéré comme impoli ou agressif en Asie. Dans certains pays subsahariens, il est très mal vu de regarder un supérieur dans les yeux plus que quelques secondes (directeur, professeur…).
    • Proxémie : la distance personnelle acceptée varie considérablement. En Amérique latine et dans les pays méditerranéens, les gens ont tendance à se tenir plus près les uns des autres que dans les cultures nord-américaines et nord-européennes. Pendant la crise du Covid, une blague circulait en Finlande : « Le gouvernement nous demande de maintenir une distance de 1m50 entre nous. Mais pourquoi le gouvernement veut-il que nous nous rapprochions ? »
    • Position du corps : s'asseoir avec les jambes croisées ou montrer la plante des pieds peut être considéré comme un manque de respect dans certaines cultures du Moyen-Orient et d'Asie.
    • Ton et volume de la voix : en Italie et dans de nombreux pays arabes, parler fort et de manière expressive est souvent normal et attendu. En revanche, dans les cultures japonaises et nordiques, un ton plus calme et modéré est préféré.
    • Silence : dans certaines cultures asiatiques, le silence est une partie intégrante de la communication et peut signifier la réflexion ou le respect. Dans les cultures occidentales, le silence prolongé peut être perçu comme un malaise ou une désapprobation.
    • Contact physique : les cultures latines et arabes peuvent être plus tactiles, avec des accolades et des tapes dans le dos entre amis et collègues. En revanche, au Japon et en Corée, le contact physique est souvent évité en public.

     

    Dans une Belgique riche de diversité, cet élément culturel est intéressant pour essayer de comprendre ses collègues, d’interpréter la communication non verbale et surtout éviter certains malentendus.

     

    Comment s'adapter au non verbal de l'autre ?

    Apprendre à lire l’autre est une chose, mais quand on a perçu toutes ces informations, qu’est-ce qu'on en fait ? La réponse est probablement de s’adapter au non-verbal de l’autre. Pourquoi ? Car cela renforce la relation et amène davantage de compréhension interpersonnelle.

    Voici quelques attitudes pour être plus proches de vos collègues sans qu'ils le conscientisent. Non, ce n'est pas de la manipulation 😉, c’est une compétence précieuse qui vous permettra à tous les deux d’être « plus connectés ».

     

    L’effet miroir

    L’idée est d’imiter (subtilement) la posture et les gestes de l'autre personne. Faites attention à la tonalité, au rythme et au volume de la voix de l'autre personne. Si elle parle doucement et lentement, ajustez votre voix de manière similaire.

    C’est une marque d’empathie qui va inconsciemment créer chez l’autre une connexion, et que nombre d’entre nous appliquent de manière inconsciente. Il ne faut, évidemment pas, exagérer le mirroring pour éviter de paraître moqueur ou condescendant.

     

    L’écoute active

    Montrez que vous écoutez activement ce qui est dit avec des hochements de tête, des murmures d'approbation ou des sourires. Respectez aussi la parole de l’autre en ne l’interrompant pas, pourquoi pas lever légèrement les mains ou incliner la tête pour l’encourager à continuer à s'exprimer.

    Réagissez aussi aux indices non verbaux par des réponses adaptées, par exemple, en offrant un sourire de réconfort si l'autre semble triste.

    Si la situation le permet, et que cela est culturellement approprié, un léger contact sur l'épaule ou une poignée de main peut renforcer la connexion. Soyez attentif à la réaction de l'autre pour juger si le contact est bienvenu.

     

    Le feed-back non verbal

    Réajustez votre propre langage corporel en fonction des réactions de l'autre. Si l'interlocuteur semble mal à l'aise, ajustez votre posture ou la distance.

    Un exemple frappant en entreprise est le bonjour du matin. Certains tendent la main, d’autres font un signe poli de la main sans contact, d’autres encore proposent un check, et il y a aussi ceux qui aiment faire la bise, ce que tout le monde n’aime pas. C’est là que la communication non verbale peut être décryptée et réajustée. Et dans le doute, on demande.

     

    Le langage corporel ouvert

    Adoptez une posture ouverte (évitez de croiser les bras ou les jambes) pour encourager une communication plus ouverte et amicale et orientez votre corps vers la personne pour montrer votre engagement et votre intérêt pour la conversation.

     

    L’utilisation de l’espace

    Adaptez la distance entre vous et votre interlocuteur en fonction de son confort. Par exemple, rapprochez-vous légèrement si elle semble détendue et ouverte, ou reculez si elle paraît tendue.

     

    Pour conclure, quand on parle de communication non verbale et de décryptage des autres, n’oubliez surtout pas votre propre non verbal. Avec un point important à garder en tête : assurez-vous que votre communication verbale est cohérente avec notre communication non verbale.

Inspirations

  • Déceler le manipulateur

    Utiliser le non verbal permet aussi de débusquer les manipulateurs. Généralement, les manipulateurs utilisent les mêmes astuces. En voici 4 qui doivent agir comme des signaux d’alerte.

    1/ Quand il vous parle, il vous touche. Souvent, il dépose sa main sur la vôtre, votre coude ou votre épaule. Le message est qu’il vous prend en charge. De temps en temps, il vous retouche brièvement, pour créer du lien.

    2/ Quand il vous parle, il vous regarde de manière plutôt fixe. Il veut savoir s’il est en train de vous « conquérir » et convaincre.

    3/ Quand il vous parle, il entre délibérément dans votre espace, votre bulle. L’objectif est de créer un lien d’intimité.

    4/ Quand il vous parle, il se penche vers vous et parle doucement pour donner l’impression d’une complicité.

  • Les micro-expressions

    Nous affirmons dans l’article thématique que le non verbal est aussi culturel. C’est faux concernant ce qu’on appelle les micro-expressions.

    Vous vous souvenez de cette série américaine à succès « Lie to me » ? Ça raconte le quotidien du Dr Cal Lightman, psychologue expert en détection de mensonges par l'analyse de « micro-expressions », qui vend les services de son équipe à l'État américain pour l’aider à résoudre des enquêtes.

    Les micro-expressions sont des expressions faciales brèves et involontaires que le visage humain exprime en fonction des émotions vécues. Ces expressions sont universelles et vont exprimer soit la joie, la colère, le dégoût, la peur, le mépris, la tristesse, la surprise…

     

    Vous souhaitez en apprendre plus ?

    Voici une vidéo.

    Et pour les amateurs de séries, voici la scène d’ouverture de « Lie to me ».

Le saviez-vous ?

  • 1872

    C’est la date à laquelle Charles Darwin évoque pour la première fois l’importance de la communication non verbale. Il émet alors l’hypothèse de l’universalité des émotions.