Vivre ensemble, quelles que soient nos différences
Associer le « monde du handicap » et le « monde du travail » n’a jamais vraiment coulé de source. Si les mentalités changent peu à peu, le chemin à parcourir reste important. Plusieurs questions délicates persistent. Le handicap, c’est quoi ? Comment est-il vécu dans les entreprises ? Que dit la loi ? Qu’entend-on par « aménagements raisonnables » ? Ou « inclusion » ? Au travers de notre Newsletter, voici quelques pistes pour comprendre le handicap et quelques idées géniales qui ont permis d’améliorer la vie de ceux qui le vivent au quotidien.
Un handicap, c’est quoi ?
A la question de savoir si une personne en chaise roulante est handicapée, nous répondrions tous par un grand « oui ». Et un collègue qui boite ? Plus que probablement ! Et un travailleur qui souffre de trouble bipolaire ? Nous aurions peut-être tendance à dire qu’il a plutôt besoin de repos et d’être suivi par un professionnel. Et quelqu’un de dyslexique ? Nous aurions certainement tendance à dire que « non » ! Et pourtant, l’Organisation Mondiale de la Santé donne une définition très précise du handicap : « est handicapée toute personne dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école ou à occuper un emploi s’en trouvent compromises ». Il existe plusieurs formes de handicap. La définition est large. Le nombre de personnes concernées également.
Différents types de handicaps
Le handicap ne se limite pas au traditionnel handicap moteur, à savoir une atteinte partielle ou totale de la motricité, ou mental (insuffisance des facultés et du niveau global d’intelligence). À côté viennent s’ajouter le handicap visuel (aveugles, malvoyants), auditif (sourds, malentendants), psychique (troubles de la personnalité, bipolarité) mais aussi l’autisme qui est dissocié depuis peu du handicap psychique. Et depuis 15 ans maintenant, les maladies chroniques invalidantes qui nécessitent une prise en charge chronique et les maladies respiratoires, digestives, cardiovasculaires et infectieuses et tous les troubles liés à la dyslexie sont venus rejoindre la liste des « handicaps » reconnus.
La situation en Belgique
Depuis les années 60, la volonté de la Belgique est d’augmenter les chances d’intégration des personnes handicapées dans la société, de leur donner des accès et des clefs de réussite. 60 ans plus tard, le mot « intégration » semble maladroit dans son usage et on lui préférera celui « d’émancipation » et de « participation ». De manière générale, l’objectif ne se limite pas à donner accès aux bâtiments, aux transports en commun ou à des toilettes publiques. Non, « l’accès » dont il est question concerne aussi un droit à la culture (pouvoir visiter des musées ou aller au cinéma), à l’enseignement et à l’emploi. En Belgique, d’après Statbel, l’office belge de statistique, près de 10 % de la population âgée de 15 à 64 ans se dit fortement limitée dans ses activités quotidiennes en raison d’un handicap, d’une affection ou d’une maladie de longue durée, et il est démontré que ces personnes en situation de handicap ont moins de chance que les autres d’obtenir ou de conserver un emploi. En effet, seuls 23 % d’entre eux ont un travail et leur taux de chômage est supérieur à la moyenne. Si plus de la moitié de ces travailleurs bénéficient d’une aide ou d’aménagements spécifiques grâce à leur employeur, seul un tiers des tâches demandées seraient adaptées au travailleur en situation de handicap.
Des aménagements raisonnables, pour quoi faire ?
Il est parfois difficile d’imaginer ce qu’est un handicap quand on n’en souffre pas. Imaginez donc un instant que vous vous cassiez le pied et que vous deviez chaque jour monter 3 étages pour vous rendre à votre bureau. La situation deviendrait bien vite invivable. Imaginez que votre collègue, qui marche avec des béquilles suite à un accident dans sa jeunesse vive la même situation depuis… toujours. Inacceptable. C’est la raison pour laquelle l’Etat, afin de favoriser l’inclusion de tous, et parce que les personnes en situation de handicap ont le droit de participer à tous les aspects de la vie en société, a prévu légalement des aménagements raisonnables. Selon Unia (le Service public de lutte contre la discrimination et de promotion de l'égalité des chances), « les aménagements raisonnables sont des mesures appropriées, prises en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d’accéder, de participer et de progresser dans la vie professionnelle. » Ceux-ci sont soit matériels (ascenseurs, toilette adaptée, etc.), soit immatériels (coaching, accompagnement), soit encore organisationnels (télétravail, horaire adapté, etc.). Il est évidemment important de définir ce qu’on entend par raisonnable en matière d’aménagement. Pour aider les entreprises, plusieurs critères comme le coût, l’impact sur l’organisation ainsi que la fréquence et la durée de l’aménagement sont pris en compte. Et depuis 15 ans, l’Etat a décidé de donner l’exemple. Un arrêté royal du 5 mars 2007 prévoit en effet que les services publics belges doivent mettre au travail des personnes handicapées à concurrence de 3 % de leur effectif global. Il a également pris des mesures financières. C’est ainsi que la convention collective de travail qui fixe le niveau de rémunération des travailleurs handicapés prévoit une possibilité d’interventions financières dans le salaire et les charges sociales. Il existe par exemple des primes de compensation (pour couvrir des frais d’aménagement), de tutorat (pour qu’un travailleur en place accompagne une personne handicapée), etc.
Deux expériences hors du commun
DUOday, né sous le nom de Duodag en Flandre en 2010 et aujourd’hui présent dans plus de 11 pays européens, est une initiative favorisant l’insertion dans le monde professionnel des personnes en situation de handicap. Comment ça fonctionne ? DUOday permet à ces personnes d’effectuer un stage durant entre une journée et 20 jours, dans une entreprise avec un parrain pour les accompagner et les guider. En Belgique, pas moins de 500 entreprises participent à l’initiative et accueillent un ou plusieurs stagiaires. Cette année, le DUOday se déroule le 14 mai.
Le 65 Degrés, vous connaissez ? Ayant posé ses quartiers du côté d’Ixelles, il s’agit du tout premier restaurant gastronomique qui emploie des jeunes porteurs d’un handicap mental léger ou moyen (trisomie 21, autisme, retard mental). Fondée par quatre spécialistes de l’intégration du handicap dans le milieu socio-professionnel et professionnels de l’Horeca, le 65 Degrés, avec son menu digne d’une table triplement étoilée, est un exemple inspirant pour ceux qui se demandent encore si l’inclusion des différences dans la société a un sens.