Le bonheur, si je peux
Stress permanent, manque de reconnaissance, manque de ressources, insuffisance de communication, salaire en berne… Les raisons de ne pas être heureux au travail sont nombreuses. Pour certains collaborateurs, c’est l’occasion de s’imaginer dans une autre société. Pour d’autres, le burnout s’invite. Et pourtant, il n’y a aucune fatalité. Le bonheur peut se travailler et s’imposer sur le lieu de travail. Voici quelques pistes concrètes pour y arriver.
Aux Etats-Unis, 40% des travailleurs souhaitent changer d’emploi dès que possible. En France, 38% des salariés se disent malheureux au travail. En Belgique, ils sont 36% à ne pas toujours se sentir bien dans leur peau professionnellement. Dans notre pays, nous approchons aussi des 500 000 malades de longue durée. Une situation complexe pour les RH. D’autant que les managers et les directions ont tendance à surestimer le bien-être de leurs collaborateurs. Un exemple ? Il y a 12% d’écart entre ce que pensent les employeurs (77%) et les salariés (65%) de la satisfaction concernant les conditions de travail.
Qu’est ce qui rend les salariés heureux ?
Un salarié n’est pas l’autre. L’impact de certaines mesures, propositions… ne sera donc pas le même pour deux collaborateurs. Cependant, l’analyse de nombreuses études sur ce qui rend heureux les travailleurs permet de dégager 4 pistes prioritaires de compréhension du bonheur au travail.
1/ Des rapports humains apaisés et chaleureux
Le relationnel est la première pierre nécessaire à la construction du bonheur professionnel. Vous savez, ces petits moments d’échanges avec des gens qui nous estiment et que nous estimons en retour. Des personnes avec qui parler de nos dossiers, mais aussi de nous. De nos enfants, de ce que nous vivons en dehors du travail. Il est donc essentiel, en tant que RH ou manager, d’encourager ces moments. Voire de les initier.
C’est dans ce cadre-là qu’est née « la semaine du bonheur au travail » qui aura lieu du 25 au 29 septembre 2023. Son objectif est d’encourager les RH à mettre en avant le bonheur des employés au cœur de toute réflexion durant 5 jours.
Plus d’info : https://www.tryangle.be/fr/semaine-du-bonheur-au-travail/
2/ Du sens à ce qui est fait
Deuxième pierre nécessaire : le sens que l’on peut donner à son travail. En clair, nous avons besoin de savoir que nous servons à quelque chose dans la société et dans l’entreprise où nous nous trouvons. Nous devons voir l’intérêt de notre travail afin de savoir que nous ne faisons pas les choses pour rien. Cette nécessité du sens est d’ailleurs une des premières raisons qui poussent la nouvelle génération à rester dans un poste ou à en accepter un nouveau.
Ces dernières années, le vocabulaire RH s’est d’ailleurs enrichi d’un nouveau mot pour désigner ce sentiment d’inutilité, le « Brown-out », à savoir l’absurdité ou la nuisance de certains métiers qui amènent un réel malaise pour le collaborateur.
3/ La valorisation
Quand nous sommes enfants, nous attendons des adultes qu’ils reconnaissent nos capacités et nous encouragent. On apprend à parler, à marcher, à lire, à écrire, à être autonome de cette manière.
Spoiler alert : dans le monde professionnel, beaucoup d’entre nous restent de grands enfants. Nous apprécions une reconnaissance de nos efforts, de notre flexibilité, de nos compétences, de notre travail.
De plus, la valorisation et la gratitude amènent confiance et respect.
4/ La liberté
La liberté est souvent évoquée également par les collaborateurs comme un élément déclenchant bien-être et bonheur au travail. C’est encore plus vrai pour les plus jeunes générations qui ont appris à être plus autonomes et moins « encadrées ».
Un modèle innovant : l’entreprise libérée
Le monde évolue et l’entreprise avec elle. Depuis quelques années, certaines structures ont décidé de devenir des entreprises libérées.
Concrètement, le modèle « libéré » repose sur deux grands principes. Le premier, laisser tous les collaborateurs prendre des initiatives individuelles plutôt que de suivre des directives imposées par leur hiérarchie. Les contrôles et la surveillance sont également repensés. Le second concerne la hiérarchie qui est non plus verticale, mais horizontale. Chaque collaborateur s’auto-dirige ou se met dans des petits groupes.
La confiance et la responsabilité vont donc de pair. Comme le signale Isaac Getz, professeur à l’école de commerce ESCP Europe et auteur de L’entreprise libérée. « Vous donnez de la liberté et de la responsabilité ». La confiance exclut donc le contrôle.
En Belgique, ce modèle n’est pas encore très populaire. On estime dans notre pays que 3-4% des entreprises fonctionnent de cette manière. Décathlon a été une des pionnières dans notre pays. Et parfois, c’est l’Etat lui-même qui s’y met. C’est le cas, par exemple, du SPF Mobilité et Transports ou encore de la sécurité sociale belge.
Et vous savez quoi ? Les collaborateurs des entreprises libérées se disent plus heureux que la moyenne.
Vous voulez aller plus loin ? Vous pouvez lire le livre de l’auteur belge Frédéric Laloux, Reinventing organizations, un best-seller salué unanimement par la critique.
Cliché : le salaire rend heureux
L’argent fait-il le bonheur professionnel ? Cette question a été posée à de très nombreuses reprises. Et la réponse apportée est nuancée. Le salaire apporte une satisfaction personnelle, mais à court terme et jusqu’à un certain plafond. Dans leur livre ‘High Income Improves Evaluation of Life But Not Emotional Well-Being’, (Un salaire élevé améliore l'évaluation de la vie, mais pas le bien-être émotionnel), les psychologues américains Daniel Kahneman, lauréat du prix Nobel en Sciences économiques, et Angus Deaton partagent la conclusion suivante : le lien entre bonheur et argent s'applique jusqu'à une certaine somme, 70.000 dollars. Quiconque perçoit plus de 70.000 dollars par an ne verra plus son niveau de bonheur augmenter de façon proportionnelle.
Par ailleurs, la satisfaction et la motivation liées à un bon salaire (lors de l’engagement ou lors d’une augmentation) s’estompent en quelques mois. L’impact sur le bien-être et le bonheur du collaborateur est nul à moyen sur le long terme.
Si l’argent est un élément important de notre travail, ce n’est pas de ce côté qu’il faut aller pour rendre les collaborateurs heureux.
Un collaborateur heureux, c’est bon pour l’entreprise
Il n’y a pas que le RH qui peut se réjouir d’avoir des collaborateurs heureux. Le CFO et le CEO peuvent l’être aussi. Une étude publiée par Harvard/MIT juste avant le Covid amène en effet des conclusions très intéressantes.
Ainsi, être heureux au travail rend 31% plus productif. Par ailleurs, les salariés heureux sont 2 fois moins malades, 6 fois moins absents, 9 fois plus loyaux et 55% plus créatifs !
A propos de création, la manière dont certaines entreprises fonctionnent en interne est parfois source de bonheur. C’est ce qu’explique l’auteur américain Daniel Coyle, dans son livre Culture Code : Secrets of Highly Successful Groups. Il met en avant l’exemple de Pixar où les dirigeants planifient des « moments d'inconfort » avec ce qu’ils appellent des réunions « BrainTrust ». Concrètement, lors de la production d’un film, les membres des équipes sont invités à donner leurs avis sincères aux créateurs. Seule contrainte, être factuel et non émotionnel. On évite le « je n’aime pas » pour le « je pense que cet aspect ne fonctionnera pas auprès du public pour telle ou telle raison ».
Cette manière de faire est reconnue en interne comme étant un ciment pour le groupe, et surtout, un élément qui apporte un certain bonheur professionnel.