À la maison au travail et au travail à la maison
258.000 personnes travaillent en hybride aujourd’hui dans notre pays. C’est 200.000 de plus qu’il y a 3 ans. Ce n’est pas sans conséquences sur l’organisation de l’entreprise et sur les mentalités des collaborateurs.
258.000 personnes travaillent en hybride aujourd’hui dans notre pays. C’est 200.000 de plus qu’il y a 3 ans. Ce n’est pas sans conséquences sur l’organisation de la société et sur les mentalités des collaborateurs. Cette nouvelle réalité offre de belles opportunités. Mais il faut aussi faire attention à certaines choses. Nous faisons un bilan.
De nombreuses études, reportages et retours du terrain nous permettent aujourd’hui d’avoir une idée très précise de ce que représentent le télétravail et l’hybride dans notre pays.
Voici 5 grands constats :
- En 2019, 18,9 % des travailleurs belges télétravaillaient parfois. Pendant la pandémie, on a constaté un pic avec 37,9 %. Aujourd’hui, presque 34 % des Belges télétravaillent encore régulièrement. C’est un chiffre qui nous place dans le top des pays européens en télétravail avec la Suède, les Pays-Bas, la Finlande, le Danemark et le Luxembourg. Loin devant l’Allemagne, par exemple, où seulement 1 travailleur sur 5 télétravaille.
2. Le chiffre exact du nombre de télétravailleurs en Belgique est de 258.000, contre 58.000 en 2019.
3. C’est dans les deux Brabants (flamand et wallon) ainsi qu’à Bruxelles qu’on télétravaille le plus.
4. Certains métiers sont plus propices au travail hybride que d’autres. 78,3 % des personnes travaillant dans la communication et dans l’information télétravaillent. 74,9 % pour le secteur des activités financières et d’assurance.
5. On connaît aujourd’hui également le profil type du télétravailleur : il s’agit d’un salarié diplômé de l’enseignement supérieur (54 %). Les personnes qui n’ont pas de diplôme ou un diplôme de l’enseignement secondaire inférieur ne sont que 4,7 % à télétravailler.
Combien de fois par semaine ?
Longtemps, la question du nombre de jours prestés à domicile et à la maison s’est posée. D’un côté, certains craignaient que laisser trop longtemps ou trop souvent les collaborateurs chez eux mènerait à une perte de lien, une perte de sens et in fine les démotiver. D’un autre côté, la crise du Covid-19 qui a vu le télétravail s’imposer de manière brutale, a permis de démontrer que c’était possible, et qu’au final, la plupart des travailleurs y arrivent. Question d’équilibre entre confiance et contrôle, comme déjà abordé dans de précédentes newsletters.
Aujourd’hui, de nombreux travailleurs veulent continuer… Et notre pays étant le maître du monde du compromis, il a été décidé plus ou moins implicitement que 2 à 3 jours par semaine serait la norme. C’est ce qui a été appliqué dans de nombreuses administrations et entreprises où c’était possible. Et cela correspond à la réalité : selon une enquête publiée en janvier dernier par Acerta, un quart des Belges travaille encore 3 jours par semaine à la maison.
Il existe de grandes disparités selon les régions. A Bruxelles, par exemple, 97 % des entreprises autorisent le télétravail contre 76 % en Flandre et 72 % en Wallonie. Un quart des entreprises aimerait d’ailleurs que les collaborateurs soient davantage présents au bureau.
La conclusion de l’étude d’Acerta se veut optimiste : « Le travail hybride a renforcé la confiance à l’égard des travailleurs et l’autonomie des équipes. 88 % des employeurs ont aujourd’hui grande confiance en leurs collaborateurs en télétravail ».
Les 4 modèles du travail hybride
Pierre Daems, consultant en management, et Fernanda Arreola, doyenne de la faculté et de la recherche à l’Institut supérieur du commerce de Paris, présentent quatre modèles d’organisation du travail en formule hybride. Leur classement repose sur la flexibilité offerte (horaire ou lieux de travail) et sur les ressources allouées par l’entreprise pour offrir de bonnes conditions de travail au bureau ou à la maison.
- L’organisation classique
Elle se caractérise par une décision unilatérale de la société de définir un nombre de jours (minimum) par semaine de télétravail pour ses collaborateurs. Et cette décision est collective. C’est le modèle le plus courant.
Avantage : tout le monde a la même règle.
Désavantage : tout le monde n’a pas les mêmes besoins ou souhaits.
2. L’organisation nomade
Elle se caractérise par la décision d’abandonner totalement le lieu de travail et d’être uniquement en poste à la maison.
Avantage : économie importante pour la société (loyer, énergie…).
Désavantage : le lien physique est cassé, plus de small talk dans les couloirs, risque sérieux d’isolement et de perte de sens.
3. L’organisation collaboratrice
Elle se caractérise par la possibilité pour les collaborateurs de travailler depuis la maison, mais de tout faire en interne pour qu’ils soient présents. La société devient un endroit où les bureaux sont collaboratifs et non plus nominatifs, un endroit où il existe des lieux de rencontres, des terrasses… La société organise également des cours, des séminaires, et même des services de conciergerie. Il faut donner envie aux employés d’être présents.
Avantage : l’expérience « employé » est très haute.
Désavantage : investissement conséquent.
4. L’organisation individualisée
Les collaborateurs décident eux-mêmes quand ils sont absents ou présents. Ils font selon leurs besoins et envies.
Avantage : formule idéale si ça marche.
Désavantage : demande une organisation très pointue pour gérer les lieux et les collaborateurs (congés, absences…).
Une autre voie intéressante : synchrone/asynchrone
Certains managers ou responsables de RH ont développé une autre manière d’envisager l’hybride, basée sur la nature des tâches.
La règle de base est devenue la suivante : quand il s’agit d’un travail synchrone, qui demande à être effectué en équipe et en même temps, comme un brainstorming ou des réunions, la société privilégie le présentiel. Elle demande donc à ses collaborateurs d’être au bureau. Quand il s’agit d’un travail asynchrone, qui peut être effectué seul, quand on veut, les collaborateurs ont le droit d’être au bout du monde s’ils le veulent.
Cette manière d’envisager l’hybride est assez binaire, mais semble assez juste puisqu’elle repose sur une mise en avant du collectif et des réalités individuelles. Elle permet aussi de prendre en compte des besoins spécifiques.
Télé-fragile et mal-être
Le télétravail peut rendre « télé-fragile ». C’est en effet ce qui ressort de nombreuses publications médicales ces dernières années. On assiste d’ailleurs à une explosion du mal-être et du repli sur soi dans notre pays. Un demi-million de Belges sont en maladie longue durée et le nombre de burn-out a augmenté de 66 % entre 2018 et 2021.
Si, d’un côté, le télétravail peut être perçu comme une belle opportunité par certains, d’autres peuvent y perdre leurs repères.
C’est dans cette continuité que plusieurs médecins alertent aujourd’hui sur le « syndrome de la cabane ». Certains, depuis le déconfinement de 2021, se sont attachés à leur lieu d'enfermement au point qu’ils ne veulent plus en sortir. C’est ce qu’explique Adrien : « Je ne suis pas en congé maladie. Je suis en télétravail permanent, car je ne trouve plus la force de sortir de chez moi. C’est une situation très particulière. Je suis tout à fait apte à travailler. Et je le fais. Mais je ne suis plus sociable du tout. Je n’arrive plus à faire semblant au travail. La crise du Covid-19 m’a enfermé et j’ai pris conscience de beaucoup de choses en moi qui sont ressorties d’un coup. »
Ce syndrome est également appelé syndrome de la prison. Des détenus de longue durée sont parfois incapables de retrouver des repères à l’extérieur. Certains allant même jusqu’à commettre des délits pour être à nouveau incarcérés.
Il est donc essentiel en tant que manager ou RH de continuer à créer du lien avec ses collaborateurs quand ils sont en distanciel.
L’occasion pour ceux qui l’auraient raté, de lire notre OpenSpace spécifiquement dédiée au management en 2023 😉